L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté, Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 ; Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article premier : Le patrimoine affecté
Le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi modifié : 1° Au début, est insérée une section 1 intitulée : « De la déclaration d'insaisissabilité », comprenant les articles L. 526-1 à L. 526-5 ; 2° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée : « Section 2 « De l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée«Art.L. 526-6.-Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale.
« Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.
« Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des initiales : " EIRL ”.
« Art.L. 526-7.-La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :
« 1° Soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;
« 2° Soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;
« 3° Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.
« Art.L. 526-8.-Les organismes chargés de la tenue des registres mentionnés à l'article L. 526-7 n'acceptent le dépôt de la déclaration visée au même article qu'après avoir vérifié qu'elle comporte :
« 1° Un état descriptif des bien, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;
« 2° La mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 527-7 ;
« 3° Le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités visées aux articles L. 526-9 à L. 526-11.
« Art.L. 526-9.-L'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est reçue par acte notariéet publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien.L'entrepreneur individuel qui n'affecte qu'une partie d'un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.
« L'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.
« Lorsque l'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7.L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.
« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.
« Art.L. 526-10.-Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l'objet d'une évaluation au vu d'un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes,un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l'entrepreneur individuel.L'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien immobilier.
« Lorsque l'affectation d'un bien visé au premier alinéa est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7.L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.
« Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.
« En l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée.
« Art.L. 526-11.-Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.
« Lorsque l'affectation d'un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-
7.L'article L. 526-8 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.
« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.
« Art.L. 526-12.-La déclaration d'affectation mentionnée à l'article L. 526-7 est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.
« Elle est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Dans ce cas, les créanciers concernés peuvent former opposition à ce que la déclaration leur soit opposable dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.
« A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la déclaration est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.
« L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la constitution du patrimoine affecté.
« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil :
« 1° Les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposableéet dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté;
« 2° Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.
« Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13.
« En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.
« Art.L. 526-13.-L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27.
« Par dérogation à l'article L. 123-28 et au premier alinéa du présent article, l'activité professionnelle des personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102 ter du code général des impôts fait l'objet d'obligations comptables simplifiées.
« L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté.
« Art.L. 526-14.-Les comptes annuels de l'entrepreneur individue à responsabilité limitée ou, le cas échéant, le ou les documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13 sont déposés chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-7 pour y être annexés. Ils sont transmis, pour y être annexés, au registre prévu au 3° de l'article L. 526-7 lorsque le dépôt de la déclaration est effectué au répertoire des métiers dans le cas prévu au 1° du même article, et, s'il y a lieu, au registre du commerce et des sociétés dans le cas prévu au 2° du même article.A compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.
« En cas de non-respect de l'obligation mentionnée au premier alinéa, le président du tribunal, statuant en référé, peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre sous astreinte à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de procéder au dépôt de ses comptes annuels ou, le cas échéant, du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13.
« Art.L. 526-15.-En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation, concomitante à la renonciation, de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou en cas de décès, les créanciers mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 526-12 conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la renonciation ou du décès.
« En cas de renonciation, l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôtde la déclaration prévue à l'article L. 526-7. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre.
« Art.L. 526-16.-Par dérogation à l'article L. 526-15, l'affectation ne cesse pas dès lors que l'un des héritiers ou ayants droit de l'entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. La personne ayant manifesté son intention de poursuivre l'activité professionnelle en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 dans un délai de trois mois à compter de la date du décès. « La reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est subordonnée au dépôt d'une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7.
« Art.L. 526-17.-I. ― L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété dans les conditions prévues aux II et III du présent article sans procéder à sa liquidation.
« II. ― La cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l'affectation dans le patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Elle donne lieu au dépôt par le cédant ou le donateur d'une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 et fait l'objet d'une publicité. La reprise n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de ces formalités.
« La cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société entraîne transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l'affectation.Elle donne lieu à publication d'un avis. Le transfert de propriété n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de cette formalité.
« III. ― La déclaration ou l'avis mentionnés au II sont accompagnés d'un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine affecté.
« Les articles L. 141-1 à L. 141-22 ne sont pas applicables à la cession ou à l'apport en société d'un fonds de commerce intervenant par suite de la cession ou de l'apport en société d'un patrimoine affecté.
« Le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.
« Les créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-12 dont la créance est antérieure à la date de la publicité mentionnée au II du présent article, ainsi que les créanciers auxquels la déclaration n'est pas opposable et dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 lorsque le patrimoine affecté fait l'objet d'une donation entre vifs, peuvent former opposition à la transmission du patrimoine affecté dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le cessionnaire ou le donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes.
« A défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.
« L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la transmission du patrimoine affecté.
« Art.L. 526-18.-L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté.
« Art.L. 526-19.-Le tarif des formalités de dépôt des déclarations et d'inscription des mentions visées à la présente section ainsi que de dépôt des comptes annuels ou du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-13 est fixé par décret.
« La formalité de dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-7 est gratuite lorsque la déclaration est déposée simultanément à la demande d'immatriculation au registre de publicité légale.
« Art.L. 526-20.-Le ministère public ainsi que tout intéressé peuvent demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée de porter sur tous ses actes et documents sa dénomination, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement des mots : " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des initiales : " EIRL ”.
« Art.L. 526-21.-Les conditions d'application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Nicolas Sarkozy Par le Président de la République :
Le Premier ministre, François Fillon
La ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, Michèle Alliot-Marie
La ministre de l'économie de l'industrie et de l'emploi, Christine Lagarde
Le secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises,du tourisme, des services et de la consommation, Hervé Novelli
(1) Loi n° 2010-658. ― Travaux préparatoires : Assemblée nationale : Projet de loi (n° 2265) ; Rapport de Mme Laure de La Raudière, au nom de la commission des affaires économiques, n° 2298 ; Discussion et adoption, après engagement de la procédure accélérée, le 17 février 2010 (TA n° 420). Sénat : Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 302 (2009-2010) ; Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission des lois, n° 362 (2009-2010) ; Avis de M. Michel Houel, au nom de la commission de l'économie, n° 358 (2009-2010) ; Texte de la commission, n° 363 (2009-2010) ; Discussion et adoption le 8 avril 2010 (TA n° 85, 2009-2010). Sénat : Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, au nom de la commission mixte paritaire, n° 420 (2009-2010) ; Discussion et adoption le 5 mai 2010 (TA n° 96, 2009-2010). Assemblée nationale : Projet de loi, modifié par le Sénat en première lecture, n° 2448 ; Rapport de Mme Laure de La Raudière, au nom de la commission mixte paritaire, n° 2461 ; Discussion et adoption le 12 mai 2010 (TA n° 461). ― Conseil constitutionnel : Décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 publiée au Journal officiel de ce jour.